Quand j’ai demandé au fleuriste si ces lys des Andes tiendraient longtemps, il m’a répondu avec une pointe de fierté (et le zèle du commerçant ?) qu’elles seraient fringantes au moins quinze jours tant que je changerai l’eau tous les jours.
Alors je m’applique, au saut du lit, à changer l’eau. J’ai même fixé la règle de couper légèrement les tiges tous les deux jours, afin qu’elles gardent de la hauteur dans le vase, afin qu’elles respirent, afin aussi de choisir la voie médiane qui oppose partisans et adversaires des tiges raccourcies — je suis homme de consensus.
Le résultat, une semaine après, est frappant : elles tiennent. Me reviennent en mémoire trop de promesses de fleuristes (qui valent bien celles des Gascons) me vendant en bouquet une fleur qui porte déjà sa fin à la boutonnière. Et je rends grâce à la prescience de cet honnête artisan du pistil.
Si j’ai pris cette photo et si je la publie ici, c’est que je crois à ce souvenir : quinze jours, c’est bien peu à l’échelle d’une vie d’homme et je n’ai pas une destinée de papillon. J’ai envie de croire, oh naïvement, à cette mémoire gardée vive ici tant que Mark Z. le voudra bien : je lutte contre l’éphémère pour inclure les temporalités alternatives à ma propre existence. Et ainsi, bien après la mort de ces fleurs, quand tous les pétales auront chu, quand la beauté de la fleur sèche elle-même aura été vaincue par un déménagement, quand le fleuriste aura fait cent mille autres promesses, moi, je me souviendrai de ces lys des Andes et je me dirai que je les ai choyées et aimées et que j’ai aimé le jeu de leur vase translucide, tandis que les fenêtres faisaient un courant d’air.